19 septembre 2006

Trois quarts d'heure

On se lève, on allume France Inter, on se frotte les yeux, on met de l'eau à chauffer, on s'installe le cul dans la baignoire pour prendre une douche. On se lave, les cheveux un jour sur deux, le reste avec du savon doux pour la peau voire du savon sans savon, on se sèche fort pour se réveiller, on met le sachet dans la théière, on verse l'eau frémissante dessus, on laisse reposer 3 minutes, on se coiffe, on met ses sous-vêtements en même temps. On lave une tasse, on met un toast à griller, on ouvre les fenêtres, on fait des essayages jupe + veste ou jean + pull ou l'inverse, on tartine beurre + confiture aux fruits rouges, on tente le tout avec la paire de bottes, on refait le lit. On se lave les mains, on boit le thé, c'est trop chaud, on tente le tout avec des escarpins. On replie le canapé-lit, on croque dans le toast, on vérifie que le portable est bien dans le sac, on jette le fond de thé dans l'évier. On se lave les dents, on se maquille, on tente le tout avec le trench rouge. On remet la veste, on jette le pull à moitié sur la chaise à moitié par terre, on éteint la radio, on referme les fenêtres, on vérifie que les clés sont bien dans la main droite. On sort, on appelle l'ascenseur, on ferme la porte à clé, l'ascenseur arrive, on réalise qu'il pleut et qu'on a oublié son parapluie, on rouvre la porte, on aimerait bien retenir l'ascenseur en même temps mais on n'a pas le bras assez long, on prend le parapluie, on vérifie qu'on a bien laissé la clé dans le verrou, on ferme, on sort. On se met un coup de Labello dans l'ascenseur, on regarde dans le mirroir en bas si on est bien mise, on passe la première puis la deuxième porte, on est dehors, on marche vite, on va bosser, comme tout le monde ou presque sur le trottoir.
On passe devant la tente MSF du vieux SDF borgne du coin de la rue, on passe devant les vitrines encore fermées dans le reflet desquelles on peut vérifier d'un coup d'oeil si on est bien mise, on passe devant la fausse boulangerie qui sent trop fort la viennoiserie comme dans les couloirs du métro, parfois on achète un croissant, on passe devant le bistrot du coin du boulevard ouvert 24/24 où les bières sont hors de prix alors que c'est glauque à souhait, on passe devant la boucherie qui impose aux nez gourmands ses poulets rôtis qui sentent bon le grillé jusqu'à l'autre côté de la rue. On passe devant le supermarché plein de vieux à cadies motifs écossais qui profitent qu'il est 9h30 pour faire leurs courses parce qu'après ils n'auront probablement pas le temps, parfois on rentre dans le supermarché pour acheter un petit encas, on peste contre la queue à la caisse à cause des vieux qui trouvent le moyen de s'entasser au supermarché le matin à 9h30. On remonte la petite impasse plantée et pleine de charme qui mène tout droit à ces petites misères quotidiennes de la vie travaillée.
C'est comme ça tous les matins ou presque depuis près de 3 ans. Et je ne sais absolument pas quelle leçon en tirer.